Cadeau d’anniv (56) excellemment choisi : WE à la Haye, Den Haag.
Devant la jeune fille à la perle, archi « reproduite », je ressens un tas de trucs. Tout est brouillon. Dedans plus rien est en place. Je me suis encore tout cassé. Mort de CT en juin ? Le RER A, la vie sous clim sous néon sous cloche et canicule, brûlé de l’intérieur, fils grillés et connexions perdues, et puis, et puis surtout tellement dans rien ? Devant le tableau, l’impression même indéfinissable reste forte. Sinon puissante.
De ça, me dit que la photo, devenu « art », n’a pas détruit l’art de la peinture, comme tant le disaient fin du 19ièm. Mais que par contre, la reproduction photographique, à l’infini via les réseaux, la pub, une multiplication « décomplexée » et souvent vulgaire, a bien détruit la peinture.
Face au tableau (plus accessible que la Joconde, mais tout de même sous verre et sous spots) je vois combien cet art doit à sa matière, à une technique, à la main d’un artiste, à son regard unique juste là et pas ailleurs, posé, travaillé, réfléchi. Là et pas ailleurs, je ressens, je vois, je comprends, un geste, une attention et son intention. Et seul ici, je vis une émotion qu’aucune reproduction ne pouvait me donner. J’aime ce tableau, comme je n’imaginais pas avant j’allais pouvoir l’aimer. Étrange effet, en fait.
Émotions de mes 1erRembrandts, Rebeyrolles, Barcello, Goya, Vincent, Chardin, Monet, etc tant et tant, qu’aucune reproduction n’aurait pu me faire aimer, autant … comme d’autres que j’avais cru apprécier via des reproductions, délaissés après la vision des originaux.
Je repense à ma dernière expo, Erquy, Novembre 2018. Au regard du peintre CT sur mon travail. A ses commentaires, avertis, choisis, fraternels. Je repense à mon « Trafalg’Art » qui disait ça le mieux possible que je pouvais encore l’exprimer, avec mes moyens, mes matières et mon travail sur la lumière. Je repense à l’accueil « absents » des quelques visiteurs, têtes noyées dans des reproductions, des idées de peinture toutes sous illustrations. Décoratives, copie photo-nature, ou imagerie d’actualité, spots, slogans, blagues et jeux de mots, quand cet art se voit tellement mieux hors le temps. Une peinture-fenêtre, ouverte vers autrement ailleurs, ni loin ni proche.
Quand, au mieux d'elle-même, elle facilite cet instant, immobile, d’un pas de côté, hors la vie, pour mieux la voir, toute entière, en matière submergée de lumière, cette vie qui nous remue tant.
J’ai beau savoir. Répéter l’expérience. L’écrire et la dire, sans fin. L’effet est bluffant. Me scotche. Encore et encore. Surprise ! La colle, de peau, qui adhère toujours. Bizarre !
Et,
Je sais. Je blogue et j'illustre mes mots. Dans le gras de l'époque. Juste par mégarde, petite et vague envie d'être un peu là, parmi nous ? Parfois.
Me dégoûte-t’elle de l’idée d’encore peindre, comme je peins ? (je peignais) Avec LE soucis de la lumière, du jeu qu’elle suppose avec des matières que j’alchimie, autant que mes pensées et couleurs. Mes mélanges improbables d’être et d’empreintes, de mémoire que je fossilise. Non. Mais, maintenant bien plus encore qu’hier, je me sentirais seul. Terriblement seul dans mon travail. Si je peins encore, un jour, plus tard, si je peux me réveiller de ma petite mort, je vais peut-être bien, peindre comme dans un rêve, quand mes fantômes me rendent visite. Avec Rembrandt vieilli seul dans son grenier le nez et les yeux encore plein de sa peinture, Vincent, sous un ciel d’orage, cris des corbeaux, avec tout près tous mes proches, disparus, qui me savaient ça, ça et pas grand-chose d’autre.
(Mes blablas avec CT vont trop trop me manquer. Lui qui se posait tellement (trop?) la question du partage, de la reconnaissance, du regard de l'autre. La définition du "beau" par l'harmonie. Dans ce temps de vie, présent, maintenant. Quand je vois, perso, que la beauté d'une vérité intime, sincère, faille incluse, erreurs et cicatrices non déguisées, l'être non maquillé dans une expression non transformée par l'attente de l'autre, de la foule, d'un temps présent, mode, et autant pressé que pressant. Oui, va me manquer féroce ...)
Donc, "l'expérience" me dégoûte-t’elle de l’idée d’encore peindre, comme je peins ? Pas gagné. Il me faut un bon jeu, une mise gagnante, recomposer le puzzle avec possibilité de quelques pièces perdues.
Autre Vermeer (1632-1675, dit le Sphinx de Delft)) que je découvre « Diane et ses compagnes ». Une œuvre dite de « jeunesse », format inhabituel pas comme ses « scènes de genre » sous contrôle du cadre intime, camera obscura. Là, c’est mytho. Assemblage très italien, côté Venise, couleurs Véronèse. Les repros ne montrent rien. Déjà la douceur, sans le gnangnan, douceur revendiquée organisée pragmatique protestante, sans le dogme, sans narration moralisante. Matière impressionnante que j’essaye d’imaginer sous une lumière naturelle, et hollandaise, serait top.
Diane et ses compagnes
On soupçonne Fabritius de l’avoir influencé, mort jeune avec presque tous ses tableaux comme un viking dans le feu. C’est vrai que le seul tableau que je vois dudit Fabritius, le piaf enchainé, laisse à penser d’une possible transmission du contenu de cette « douceur » (pas le mot juste, sauf que je ne trouve pas mieux). Enfin, en vérité, on ne sait pas grand-chose de la formation de Vermeer, de sa vie. Disparu des radars de ceux qui disent l’art, la peinture, experts et critiques, marchands et collectionneurs qui ne savent pas peindre, ni bien voir, mais décident du marché, des prix et de qui est génie ou pas pour le grand public, l’homme redevient artiste fameux que vers la fin du 19ièm siècle (jusqu’à aujourd’hui).
Fabritius
Et puis, Rembrandt, qui toujours et à jamais (le temps de ma vie consciente) me fascine. Je le fixe, marche devant lui, m’approche et l’éloigne, je suis son regard comme il suit le mien. Le vieux, et puis, salle d'à côté ... le jeune. Moi et lui, jeune et vieux. Mort, et vivant.
Je suis son regard comme il est le mien ? Dommage que la salle le plonge dans cette obscurité, pour une « mise en scène » mode. Spots qui trompent, quand ils ne disent pas la pauvre lumière, du jour, qui alors illuminait sa fin de vie. Et comment il travaillait avec, subtilité, parcimonie, juste de quoi animer sa matière, son être.
copie-nature et vanité
Un Chardin perdu là, qui me fait plaisir à voir. Et découverte du peintre Adriaen Brouwer (1605/6 -1638) qui dans son traitement des personnages "pittoresques" me plait.
Brouwer
Chardin
Et puis aussi, Halls, Holbein, l'association Bruegel le jeune et Rubens (qui m'avait "inspiré", quand jeune, un Eden à ma sauce. Sauce très brouillonne à l'époque avec de gros grumeaux qui croquent sous les dents)
Rubens-Brueghel
La Haye, sinon, aussi : pas mal de galeries et de Vélos. De drapeaux. Bord de mer triste, très mer du nord avec plein d’artifices pour soigner du gris. Pas loin en tram, Delft, c’est chouette. Pittoresque avec canaux et gros fromages. Pas vu le mur jaune. Mais d’autres joliment travaillés.
Prochaine étape, pour m'échapper des néons clim chiffres RER et horaires : Edimbourg (septembre).